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Colloque "Les injonctions dans les institutions culturelles"

Colloque "Les injonctions dans les institutions culturelles"
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Dans un contexte marqué par de nombreuses injonctions dans le domaine culturel, ce colloque propose d’interroger la nature et les modes d’existence des injonctions adressées aux institutions, aux professionnels et aux publics.

Voici le programme du colloque "Les injonctions dans les institutions culturelles : ajustements et prescriptions"

Icône PDFProgramme du colloque des 16-17 ma 2019.pdf

> Voir le programme en ligne

Le colloque aura lieu les 16 et 17 mai prochains à la MSH Paris Nord.

Si vous souhaitez assister au colloque, vous pouvez remplir le formulaire afin de vous inscrire

Appel à communications : Les injonctions dans les institutions culturelles : prescriptions et ajustements

Icône PDFAppel à communications.pdf

Dans un contexte marqué par de nombreuses injonctions dans le domaine culturel, ce colloque propose d’interroger la nature et les modes d’existence des injonctions adressées aux institutions, aux professionnels et aux publics. Qu’il s’agisse de directives ministérielles encourageant les théâtres à « passer au numérique », de discours journalistiques vantant la « créativité » d’un dispositif de médiation dans une bibliothèque, nous observons des logiques allant de l’accompagnement vers la prescription. Ce colloque souhaite réunir des chercheurs, des professionnels et des artistes autour d’axes de recherche favorisant l’expression d’une diversité d’approches : les imaginaires liés aux injonctions, la mutation des identités professionnelles qui en résultent, la circulation des discours injonctifs dans les arènes médiatiques et la place des publics face à ceux-ci.

Dans les années 1990, les institutions culturelles françaises connaissent un tournant communicationnel qui les amène à adopter un mode de fonctionnement gestionnaire. Par exemple, concernant les musées, Jean Davallon fait état des politiques culturelles qui prescrivent une évolution de leur fonctionnement en décrivant la focalisation de l’institution sur l’activité de présentation et de communication (Davallon, 1992 ; Le Marec, 2007). Il constate l’entrée du musée dans des logiques économiques à travers deux tendances : d’une part, le développement de la « fonction de communication » au détriment de la conservation et de la recherche, et d’autre part, l’accroissement « du modèle gestionnaire » (Davallon, 1992 : 14). Cet intérêt grandissant pour la communication dépasse largement le seul cadre des musées et va de pair avec l’adoption de logiques communicationnelles et de marché orientant certaines institutions culturelles vers le fonctionnement des industries culturelles, voire des structures économiques (Le Marec, 2007 ; Welger-Barboza, 2001).

Dans ce contexte gestionnaire, de nombreuses injonctions voient le jour, circulent et évoluent (Labelle, 2001). Aux institutions culturelles, il est par exemple demandé de proposer des dispositifs numériques « novateurs » (tables tactiles, applications mobiles, dispositifs en réalité virtuelle/augmentée, implication de technologies, nouvelles écritures...), et au public il est demandé d’être dans une posture de « participation créative » (notamment via les réseaux dits sociaux) face à ces « innovations » (Sandri, 2016b). Se dessinent alors les figures d’un « visiteur-modèle » (Davallon, 1999), ou plus largement ce que l’on pourrait nommer les figures d’un « public-modèle », autant que celles d’un « professionnel-modèle » qui se doivent de répondre positivement à ces injonctions modernistes.

En dépassant la définition première de l’injonction, définie par le CNRTL comme « un ordre, commandement précis, non discutable, qui doit être obligatoirement exécuté et qui est souvent accompagné de menaces de sanctions (1) » (2018), nous souhaitons mettre ce concept au cœur de la discussion de ce colloque en envisageant les divers degrés d'incitation auxquels sont confrontés les institutions culturelles.

Le degré le plus haut de l’injonction moderniste peut se définir comme une prescription sociale qui « place toute la société dans l’obligation, d’une part de reconnaître absolument que le neuf est du nouveau, d’autre part de se mettre résolument en position d’apprentissage permanent, enfin de ressentir sans cesse la culpabilité d’avoir du retard » (Jeanneret, 2011 : 83). Ce concept d’injonction est également à mettre en lien avec le concept de « réquisition » développé par Sarah Labelle (2007). Ce dernier décrit un phénomène de prescription qui encourage fortement certains usages tout en opérant une partition sociale liée au respect ou non de ces pratiques. Il s’agit d’un appel à l’activité dans un cadre normatif, donnant à voir de « bonnes pratiques » peu négociables.

Ce colloque étudiera plus précisément les injonctions présentes dans les institutions culturelles. On observe fréquemment dans les lieux culturels ces logiques d’incitation dont les sanctions sont symboliques et sociales. Les institutions ne s’y pliant pas peuvent alors être taxées de « poussiéreuses », « réactionnaires » ou « démodées » (Sandri, 2016).

Ces impératifs se déclinent selon des régimes injonctifs pluriels. Il ne s’agit pas tant de phénomènes de coercition, que d’accompagnements aux degrés variés – du plus léger au plus impératif – et de propositions visant à stimuler et à susciter des pratiques, accompagnements et propositions pouvant alors prendre des formes diverses. Citons par exemples des outils tels que les référentiels de compétences, les guides de bonnes pratiques, les orientations pédagogiques prises lors des formations initiales et continues, les arguments mobilisés pour discuter entre services, entre institutions et prestataires, les réunions et salons professionnels... Ces niveaux d’accompagnement sont tout autant visibles dans les discours d’escorte (Jeanneret, 2001)(2) – journalistiques et politiques – que dans les discours des professionnels.

Ces impératifs se déclinent selon des régimes injonctifs pluriels. Il ne s’agit pas tant de phénomènes de coercition, que d’accompagnements aux degrés variés – du plus léger au plus impératif – et de propositions visant à stimuler et à susciter des pratiques, accompagnements et propositions pouvant alors prendre des formes diverses. Citons par exemples des outils tels que les référentiels de compétences, les guides de bonnes pratiques, les orientations pédagogiques prises lors des formations initiales et continues, les arguments mobilisés pour discuter entre services, entre institutions et prestataires, les réunions et salons professionnels... Ces niveaux d’accompagnement sont tout autant visibles dans les discours d’escorte (Jeanneret, 2001)2 – journalistiques et politiques – que dans les discours des professionnels.

Même s’il en existe, il s’agit rarement d’obligations fermes qui seraient par exemple transcrites dans des règlements en direction des publics ou dans des circulaires à usage interne, mais plutôt de logiques de suggestions implicites qui invisibilisent les comportements alternatifs et homogénéiseraient à terme les pratiques des publics comme celles des professionnels. Ces incitations banales et quotidiennes peuvent être observées comme des phénomènes infraordinaires (Perec, 1989 ; Souchier, 2012) qui se déploient dans des comportements discrets (autocensure ou choix des discours d’escorte dominants de la part des professionnels). Or, même si certains professionnels et publics opposent une résistance à ces injonctions via des logiques d’ajustement, on remarque qu’elles restent prégnantes et performatives dans le domaine culturel, notamment car elles sont soutenues par des discours circulants (journalistiques, économiques, institutionnels, politiques).

En outre, analyser les assignations identitaires (Glady, 2016) aux publics et aux professionnel·le·s implique de se demander ce qui leur est attribué en termes de qualités et de compétences. Quelle est la nature des instruments déployés dans et en dehors de l’institution pour modeler un « public-modèle » ainsi qu’un « professionnel-modèle » ? Sur quels dispositifs (Agamben, 2007) s’appuient ces injonctions ? Comment penser ces dernières en les situant dans le contexte technophile actuel ?

Nous proposons, à titre indicatif, quatre axes afin d’approfondir ces problématiques.

Axe 1 : Injonctions plurielles en contexte culturel

Injonctions au « numérique », à « l’innovation », à la « participation », à la « créativité » (Andonova, Kogan, Wilhelm, 2014 ; Andonova, 2015 ; Andonova, Kogan, 2015) ou encore au « ludique » : toutes paraissent façonner le renouvellement des missions des institutions culturelles comme leurs modes d’adresse aux publics. Que ce soit la technique qui est aperçue  comme moteur essentiel  d’amélioration de la société ou  par  la  célébration de  l’« innovation » qui dépeint le changement tel un horizon de progrès et de nouveauté, les injonctions assignées aux institutions culturelles nous paraissent être porteuses de systèmes de valeurs, d’idéologies (Lakel et al, 2008 ; Veron, 1987) et d’utopies (Breton, 1997) qu’il conviendra d’expliciter.

Dans ce contexte, le colloque interrogera les imaginaires – notion entendue par Charaudeau comme « une proposition de vision du monde qui s’appuie sur des savoirs qui construisent des systèmes de pensée, lesquels peuvent s’exclure ou se superposer les uns les autres » (2007) – qui fondent les principales injonctions adressées aux professionnels de la culture et à leurs publics.

  • Comment les injonctions en direction des institutions culturelles s’articulent-elles à des stratégies industrielles et commerciales au niveau national et international ?
  • En quoi ces injonctions (numérique, créative, ludique, à l’innovation...) sont-elles révélatrices de réflexions sur des modèles (Moeglin, 2008) d’institution et de culture différents ?
  • À quel point ces injonctions sont-elles malléables et peuvent-elles se transformer et se déplacer avec le temps ? Comment prendre en compte leurs évolutions sur le temps long ?

Axe 2 : Travailler dans, travailler avec, travailler pour : mutations des professionnel·le·s de la culture et injonctions au changement

Des mutations profondes affectent les professionnels de la culture. Mutations du travail tout d’abord, avec le développement d’une pluralité de statuts dans et autour de l’institution : salariés d’entreprises prestataires, travailleurs indépendants, coopératives culturelles insérées dans l’économie sociale et solidaire, agents de statut public dans les institutions… Ensuite, renforcement, renouvellement ou apparition de champs d’action des professionnels, ainsi que mutations et déplacements de leurs compétences au sein des institutions (communication, numérique, médiation...) et présence d’injonctions à développer certaines aptitudes en contexte professionnel (flexibilité, créativité, formation en autodidacte...).

Au sein de cet axe, les thématiques suivantes pourront notamment être traitées :

  • Quelles formes prennent les injonctions concernant l’évolution des métiers en contexte culturel ?
  • Quels enjeux soulèvent ces injonctions sur la formation initiale et continue (en termes d’offre de formation, de contenus, de pédagogie) des étudiants et des professionnels des secteurs culturels ?
  • Comment s’hybrident les injonctions autour de formes plurielles d’organisation et de travail dans et autour de l’institution (agents, incubateurs culturels, start-ups, travailleurs indépendants, nouvelles formes de travail collaboratif...) ? D’un point de vue interculturel, quelles « cultures professionnelles » (Sauquet, 2007) se rencontrent et sont amenées à collaborer, en France ou à l’international ?
  • Comment les identités professionnelles du secteur culturel s’ajustent, s’approprient, voire résistent aux injonctions et prescriptions qui leur sont assignées ?
  • Dans ce contexte incitant à « l’innovation organisationnelle » (Vidal et al., 2014), comment se reconfigurent les frontières entre professionnels et publics ?

Axe 3 : La circulation des discours injonctifs dans les arènes médiatiques

Il s’agira dans ce troisième axe d’étudier les injonctions dans les institutions culturelles en regard des discours circulant dans les arènes médiatiques (discours journalistiques, discours économiques, discours institutionnels, discours politiques). En effet, certaines idéologies postulent que le numérique, le « participatif », la « créativité », seraient source « d’innovation » et de progrès social. Dans le même temps, certains discours politiques et économiques se conforment à ces idéologies et engagent dès lors les institutions culturelles à développer des outils – notamment numériques – en réponse. Nous faisons l’hypothèse que les médias sont des terrains privilégiés pour observer les processus de construction et d’expression (par les acteurs politiques, économiques, institutionnels…) de ces idéologies. Partant de ce constat, les médias joueraient un rôle dans la circulation des injonctions prégnantes dans les secteurs culturels et participeraient à la légitimation de ces prescriptions, voire même de leur construction en normes.

  • Comment apprécier la manière dont les médias véhiculent des arguments et des positionnements qui relèvent de l’injonction dans les institutions culturelles ? Les productions médiatiques permettent la circulation de l’injonction, mais en influencent- elles sa fabrique ? Peut-on repérer des discours et des canaux d’information privilégiés à cette circulation ?
  • Prenant le contre-pied, certains discours médiatiques offrent-ils un espace « contre- injonctif », légitimant dès lors des pratiques culturelles différentes ? Quelles tensions observe-t-on entre l’adaptation des discours médiatiques et les processus injonctifs en place dans les institutions culturelles ?
  • Comment les médias d’information eux-mêmes sont-ils pris dans cette spirale injonctive les incitant à proposer de nouvelles formes de diffusion de la culture : plateformes (Bullich et Guignard, 2014) et portails culturels tels que Culturebox (Alexis, 2017) ou Arte Concert (Auburtin, 2014) ; de nouveaux formats audiovisuels...
  • Comment l’injonction faite aux institutions culturelles à « devenir média » (chaînes YouTube du musée d’Orsay, rubrique « Magazine » du site web du Grand Palais...) se manifeste-t-elle dans leurs discours et stratégies ?

Axe 4 : Publics et stratégies d’encadrement des pratiques : rôle des injonctions et jeux d’ajustements

Dans ce dernier axe, nous nous intéresserons plus particulièrement à la manière dont les publics des institutions culturelles reçoivent et composent avec ces injonctions. Ces dernières, à la fois issues de prescriptions industrielles, médiatiques et institutionnelles, travaillent les figures du public. Que ce soit en termes de compétences ou au regard de comportements, les publics semblent être également sollicités très fortement pour participer au projet d’un changement de paradigme, souvent fait en leur nom, au sein des institutions culturelles. Dans cette optique, nous proposons d’interroger plus spécifiquement :

  • la manière dont les représentations des publics sont travaillées à partir des idéaux-types liés à l’activité, au collaboratif, à l’engagement et à la participation ;
  • les stratégies d’encadrement et de modélisation des pratiques des publics en contexte culturel ;
  • la réception, les ajustements (Jutant, 2011 ; Landowski, 2014) et les discours des publics autour de ces prescriptions et injonctions institutionnelles.

Les contributions attendues peuvent explorer l’un ou plusieurs des axes thématiques proposés, tant à partir de considérations théoriques s’inscrivant dans une approche réflexive, qu’à partir de matériaux empiriques permettant de faire état d’une recherche de terrain et/ou de corpus passée ou en cours, en France comme à l’international. Les approches comparatives sont également les bienvenues.

Les contributions pourront plus particulièrement se situer dans le domaine des archives, des arts vivants et de la scène (arts du cirque, arts de la rue, champs dramatiques, chorégraphiques, musicaux...), des bibliothèques, des centres d’art et fonds régionaux d’art contemporain, des centres de culture scientifique, technique et industrielle, des monuments historiques et des musées. Sont également concernés les prestataires de ces institutions qui constituent les acteurs de l’économie culturelle. Les contributions pourront donc s’articuler aux champs des industries culturelles et médiatiques.

Celles-ci pourront s’appuyer sur les approches plurielles des Sciences de l’information et de la communication – sémiotique, sociologie, anthropologie, histoire, socio-économie, sciences du langage... –, et toute démarche interdisciplinaire à même d’apporter un éclairage sur les injonctions dans les institutions culturelles.

Ce colloque sera l’occasion de rencontres avec des professionnels et artistes de milieux culturels divers. Nous souhaitons en effet favoriser les échanges décloisonnés et constructifs entre chercheurs et professionnels, la mise en commun de différents points de vue et savoirs, au croisement de positionnements pratiques et théoriques.

(1) Dictionnaire du CNRTL. Consulté le 20 septembre 2018
(2) Entendu comme « espace discursif – [...] qui [...] rencontre l’imaginaire […] des usagers avec lequel il entre en relation dialogique –, façonne l’objet avant, pendant et après sa conception » (Jeanneret, Souchier, 2002).